Le mystérieux orchestre d’Anne Gravoin
Hors de question de rester dans l’ombre de son mari, tout Premier ministre qu’il soit. A 50 ans, Anne Gravoin voulait montrer qu’elle n’était pas seulement la violoniste de Johnny Hallyday. La voici depuis 2013 à la tête d’un orchestre, l’Alma Chamber Orchestra, qui dit vouloir “diffuser un message de paix et de fraternité”. Il s’est déjà produit au Maghreb, en Afrique du Sud, au Moyen-Orient, à la Philarmonie de Paris. Anne Gravoin en est le premier violon et la directrice artistique.
Un orchestre qui, au fil des mois, a aimanté l’intérêt d’une mosaïque de personnages, au carrefour de la politique, des affaires, de la diplomatie parallèle. On y trouve : un marchand d’armes proche du président congolais Denis Sassou-Nguesso ; un vieux routier de la Françafrique décoré en juin dernier des insignes d’officier de la Légion d’honneur par Manuel Valls en personne ; un raider boursier reconverti dans la vente de tenues militaires, plusieurs fois épinglé par la justice et l’Autorité des Marchés financiers, qui héberge les bureaux d’Anne Gravoin…
- Zouhir Boudemagh : il est le mécène à l’origine de l’Alma Chamber Orchestra, et aussi son président. Un mystérieux homme d’affaires d’origine algérienne, représentant en France du groupe Al Sayer, un conglomérat koweïtien. La légende veut que, dévasté par la mort de sa femme, il ait voulu créer un orchestre classique afin de lui rendre hommage. C’est par l’entremise de Mohamed Mestar, le producteur de Faudel et de Rachid Taha, qu’il fait la connaissance d’Anne Gravoin, à l’automne 2012.
- Jean-Yves Ollivier : Figure de la Françafrique, il est l’homme de confiance du président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso. Sollicité par Zouhir Boudemagh, Jean-Yves Ollivier a aidé à l’organisation de la tournée de l’Alma Chamber Orchestra en Afrique du Sud, en avril 2015. Avec la Fondation Brazzaville, qu’il préside, il a aussi parrainé le concert de l’orchestre à la Philarmonie de Paris. Il a reçu les insignes d’officier de la Légion d’honneur des mains de Manuel Valls.
- Ivor Ichikowitz : président de Paramount, le plus important groupe d’armement en Afrique, ce richissime Sud-Africain est le principal fournisseur d’armes (blindés, avions de combat) de Denis Sassou-Nguesso. Sa Fondation Ichikowitz, partenaire de l’Alma Chamber Orchestra, a pris en charge la logistique et la promotion des concerts donnés à Johannesburg, à Durban et à Soweto.
- François Gontier : PDG du conglomérat Eaux et Electricité de Madagascar (EEM), il sous-loue des bureaux, avenue Victor-Hugo à Paris, à la société d’Anne Gravoin, AG Productions. Président d’une entreprise qui fournit des tenues militaires aux armées africaines, il a été deux fois condamné par la justice et plusieurs fois poursuivi par l’Autorité des Marchés financiers. Il est aujourd’hui mis en examen pour “exercice illégal de la profession de banquier”.
Ivor Ichikowitz et Jean-Yves Ollivier nous ont adressé ce droit de réponse. Sollicitée par “l’Obs”, Anne Gravoin décrit son rôle, dans un bref courrier électronique, comme celui d’un simple “prestataire”. […]
Orchestre d’Anne Gravoin : droit de réponse d’Ivor Ichikowitz et de Jean-Yves Ollivier
Droit de réponse de Monsieur Ichikowitz :
Le groupe Paramount que je préside est spécialisé dans la sécurité et la fabrication de matériel de défense. Le terme de “marchand d’armes” à connotation péjorative ne me paraît pas adapté à l’activité du groupe Paramount.
Par ailleurs, la Fondation Ichikowitz Family, dont je suis le Président, est une association Philanthropique qui n’intervient nullement dans le débat politique.
Elle a participé à l’organisation et au financement des concerts pour la paix que l’Alma Chamber Orchestra a donnés en Afrique du Sud au mois d’avril 2015.
A cette époque, l’Afrique du Sud connaissait de grandes tensions entre communautés et, dans ce contexte, il nous est apparu particulièrement opportun d’aider et de soutenir l’Alma Chamber Orchestra, orchestre qui diffuse un message de paix et de fraternité, à se produire en Afrique du Sud.
Ivor Ichikowitz
Droit de réponse de Monsieur Ollivier :
La Fondation Brazzaville pour la Paix et la Protection de l’Environnement que j’ai créée et que je préside, est une organisation à but non lucratif dont la mission est de favoriser la paix et d’aider à la préservation de l’environnement.
Elle n’est pas une émanation du Président Sassou Nguesso qui ne participe ni directement, ni indirectement à son fonctionnement.
Je n’ai participé ni à l’organisation, ni au financement des concerts que l’Alma Chamber Orchestra a donnés en Afrique du Sud.
La Fondation Brazzaville a uniquement apporté son soutien moral à des concerts pour la paix donnés par cet orchestre avec lequel elle a en commun d’œuvrer en faveur de la paix.
En 1995, le Président Mandela, nouvellement élu, m’a élevé au grade de Grand Officier de l’Ordre de Bonne Espérance, la plus haute distinction en Afrique du Sud, en raison de ma contribution aux “accords de Brazzaville”, signés le 13 décembre 1988, qui ont conduit à la fin de l’Apartheid.
C’est notamment pour cette raison que l’ordre de la Légion d’Honneur m’a invité, il y a plus de deux ans, à présenter un dossier de candidature.
Mon dossier a été déposé, et le Décret de mon élévation au grade d’officier de la Légion d’Honneur a été publié au Journal Officiel, avant la tournée de l’Alma Chamber Orchestra en Afrique du Sud.
J’ai sollicité le Cabinet du Premier Ministre afin que les insignes de la Légion d’Honneur me soient remis par Monsieur Valls eu égard à sa fonction. On ne peut donc rapprocher mon élévation dans l’Ordre de la Légion d’Honneur de mon partenariat avec l’Alma Chamber Orchestra.
Je n’avais jamais rencontré Monsieur Valls avant le 19 juin 2015, date de la cérémonie de remise des insignes de la Légion d’Honneur, et je ne l’ai pas revu depuis.
Jean-Yves Ollivier
Contactée par la rédaction du magazine, Anne Gravoin n’a pas souhaité commenter ces informations et a simplement fait valoir qu’elle agissait en tant que “prestataire”. En effet, et toujours selon les informations de L’Obs, l’orchestre pour lequel l’épouse du Premier ministre travaille a été créé par un mystérieux homme d’affaires algérien. Agé de 61 ans, Zouhir Boudemagh aurait voulu dédier ce vaste projet à son épouse décédée. Jusque-là rien d’alarmant. Sauf que, cet homme dispose d’une véritable fortune qu’il dit avoir acquise grâce à la vente de voitures de luxe. Or, et ainsi que le souligne l’hebdomadaire, il n’a vendu que huit véhicules en 2014. Ce qui rend l’origine de ses fonds difficilement identifiable.