L’affaire Moumié
Novembre 1960, l’affaire défraye la chronique en Suisse et dans le monde: l’une des figures de la lutte pour l’indépendance camerounaise, Félix Moumié, président de l’Union des populations du Cameroun (UPC) est assassiné à Genève. Victime d’un empoisonnement au thallium, Moumié meurt à l’hôpital de Genève le 3 novembre 1960.
Pour Continents sans visa, une équipe interroge son compagnon politique Ernest Ouandié, vice-président de l’UPC et sa veuve Marthe Ekemeyong Moumié arrivés à Genève: l’interview – où Ernest Ouandié met en cause la responsabilité du gouvernement français dans ce crime – ne sera pas diffusée dans ce cadre.
Félix Roland Moumié, médecin et homme politique, né le 1er novembre 1925, est l’une des figures de la lutte pour l’indépendance du Cameroun.
Sa rencontre en 1948 avec Ruben Um Nyobe le fondateur de l’Union des populations du Cameroun (UPC) le lance sur la voie politique où il se mettra au service du mouvement de libération nationale. Militant très engagé et actif, Moumié subit une surveillance sans relâche de la part de l’administration française. Il accomplit de nombreux voyages dans différents pays pour obtenir des fonds et des soutiens en faveur de la lutte anticolonialiste de l’UPC.
En 1959, il mènera une délégation de l’UPC à l’ONU pour réclamer des élections avant la proclamation de l’indépendance.
Félix Moumié est empoisonné et décède le 3 novembre 1960 à Genève.
Dans cette vidéo , l’on constatera dans les propos du camarade Emile et de Madame moumié MARTHE EKEMEYONG une determination sans peur aucune
sur
la chronologie de la mort du Docteur Felix Roland Moumié
Après un premier livre où il revendiquait sans remords tortures et exécutions sommaires en Algérie.
le général Paul Aussaresses n’a manifestement pas digéré d’avoir été condamné, en 2003, par la justice française pour « apologie de crimes de guerre ». Et, surtout, d’avoir dû renoncer à sa Légion d’honneur. À 90 ans, l’ancien membre du service action du SDECE, le contre-espionnage français (aujourd’hui DGSE), a rouvert sa boîte à souvenirs dans Je n’ai pas tout dit, un livre d’entretiens avec Jean-Charles Deniau publié il y a peu aux éditions du Rocher. Baignant dans un univers où tous les coups sont permis, dénué de tout sentiment de culpabilité, il livre avec un cynisme saisissant une version inédite de l’assassinat, le 3 novembre 1960 à Genève, de Félix Moumié, leader de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et figure mythique du nationalisme camerounais. Un cas classique d’opération « homo » (pour homicide) décidé par les autorités françaises à la demande du gouvernement camerounais et exécuté par un « réserviste bénévole » – et octogénaire ! – du service action, William Bechtel. Extrait.
Donc, William [Bechtel] est parti pour la Suisse où s’était réfugié confortablement l’opposant Félix Moumié dans un très bon hôtel de Genève. Mais les choses se passent rarement comme prévu.
William s’était adjoint une fille. Les gens ont dit que c’était une fille de « la Maison » [le SDECE], mais c’est faux : il n’y a pas de jolies filles dans le Service. Il a pris une jolie fille qu’il a trouvée quelque part, une blonde très visible [ÂÂÂ], et tous deux se sont installés dans cet excellent hôtel. Ils ont guetté Moumié. Bechtel savait qu’il était assez cavaleur. Le soir, en passant devant le couple installé à une table du restaurant de l’hôtel, Félix Moumié a bien sûr remarqué que la jeune femme lui avait souri. Aussitôt convaincu qu’il avait tapé dans l’ÂÂÂil de la blonde, cet imbécile lui rend son sourire et s’arrête devant la table. Bechtel s’exclame aussitôt : « Mais, Monsieur, je vous connais ! Nous nous sommes rencontrés au Congrès de la presse agricole, à Helsinki. » Moumié lui répond qu’il n’y était pas. « Ah bon ? Prenez tout de même un verre avec nous », insiste aimablement notre espion. Moumié accepte : « J’aime beaucoup les boissons françaises, spécialement le Pernod », dit-il.
Bechtel appelle le serveur : « Garçon, trois Pernod ! » Puis, regardant avec son air de vieil intello sympathique Félix Moumié, il ajoute : « Vous dînerez bien avec nous ? » Moumié, visiblement ravi, s’assied. Les Pernod sont servis. La jeune femme accapare son attention pendant que William verse la dose n° 1. Mais Moumié, trop occupé à parler, ne boit pas. Bechtel, finalement, lève son verre ; la jeune femme prend le sien. Ils regardent l’opposant : « Tchin-tchin ». Bechtel et la fille boivent. Mais Moumié ne bronche toujours pas, son verre de Pernod reste sur la table. Le repas est servi. Les plats s’enchaînent, arrosés. Félix Moumié ne boit toujours pas. Au moment du fromage, le Camerounais se lève pour aller aux toilettes. Comme vous pouvez vous en douter, Bechtel a versé la deuxième dose dans le verre de vin de son convive. De retour à table, Moumié se lance dans une interminable discussion. Le temps passe. Bechtel et la fille commencent à désespérer.
Ils se disent que si ce fichu Camerounais ne boit pas, c’est raté, car ils n’ont pas d’autre dose. Soudain, Moumié s’interrompt et vide d’un trait, coup sur coup, et le verre de Pernod et le verre de vin. Double dose de poison.
William et la fille se regardent, se demandent s’il ne va pas tomber raide mort devant eux. Le père T. avait bien dit : « Surtout pas de double dose. » Quand Moumié remonte à sa chambre, un peu chancelant, William envoie la fille à la réception pour commander un taxi, direction l’aéroport. Il s’agissait de prendre fissa le premier avion pour n’importe où.
Le lendemain, la femme de ménage frappe à la porte de Félix Moumié.
Pas de réponse. Il est découvert très mal en point. Transporté à l’hôpital, il meurt quelques jours plus tard, je ne sais pas exactement combien. Toujours est-il que le docteur, venu constater le décès, refuse le permis d’inhumer et fait venir un médecin légiste, qui découvre très vite des traces de poison dans son sang.
Un juge suisse ordonne une enquête de voisinage : on apprend que Moumié avait dîné avec Bechtel et la fille. Cet âne de William Bechtel s’était inscrit à l’hôtel sous son vrai nom. Vous parlez d’un agent !