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HSBC et le diamant dans le monde

Peut-on rêver meilleur écrin pour attirer le gotha mondial des marchands de diamants ? A gauche, le long des quais, les palaces genevois où se vendent chaque automne les pierres les plus chères de la planète. A droite, les beaux immeubles dominant le lac, où quelques seigneurs des pierres précieuses – Laurence Graff, Beny Steinmetz ¬ – ont leur résidence officielle. Entre les deux, les locaux d’HSBC Suisse, aujourd’hui désertés, qui accueillaient les diamantaires dans des espaces ornés de colonnes et de bois précieux.

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Laurence Graff, humble bijoutier anglais devenu magnat du diamant, vit aujourd’hui quai Wilson, à deux cents mètres de là. Les documents dérobés chez HSBC par Hervé Falciani lui attribuent un patrimoine de 45 millions de dollars au maximum en 2006-2007 au sein de la banque, répartis entre son compte personnel et ceux de ses sociétés. Il est résident suisse et, selon son avocat Clarence Peter, « à ce titre M. Graff est et a toujours été attentif au respect des législations applicables ».

Que les grands noms des pierres précieuses aient convergé chez HSBC Suisse n’est pas seulement dû à sa position avantageuse sur la rade de Genève. La banque avait hérité de centaines de clients diamantaires en rachetant la Republic National Bank d’Edmond Safra, en 1999. Elle est ensuite devenue le lieu privilégié où mettre à l’abri sa fortune personnelle. « HSBC a sponsorisé beaucoup de dîners pour des marchands à l’hôtel Richemond, juste à côté de la banque, raconte un spécialiste des bijoux haut de gamme. Ils plaçaient un banquier à chaque table. »
Les grands diamantaires sont des personnages singuliers. Beaucoup, comme Laurence Graff, sont partis de rien, ou presque. Certains sont d’une discrétion légendaire, comme David Gol, qui n’a jamais donné d’interview de sa vie. Installé à Genève, puis à Monaco, ce marchand de diamants, saphirs et rubis parle au moins six langues (persan, hindi, italien, anglais, français, hébreu…). Aujourd’hui octogénaire, il fascinait ses interlocuteurs par sa cartothèque de petites fiches papiers, qui concentraient son savoir encyclopédique sur le marché des pierres précieuses. Sa société Gidish possédait aussi un compte chez HSBC.

Sur les soins que nécessite cette clientèle, le cas d’Alisa Moussaieff est éclairant. Avec son mari Schlomo, elle contrôle les bijouteries de luxe qui portent son nom, et sa fortune a été évaluée à plus de 300 millions de dollars. En 2005, ses entretiens avec les banquiers de HSBC reflètent le souci de choisir au mieux son domicile fiscal. « La cliente, qui doit rencontrer ces prochains jours son avocat de Londres et celui d’Israël, espère pouvoir nous remettre soit un certificat de résident non domicilié [à Londres] soit un certificat de résidence à Gstaad », note un banquier qui mentionne des « problèmes liés à la résidence du mari et aux taxes israéliennes ». Dans un échange de courriels avec Le Monde, Alisa Moussaieff a d’abord démenti tout lien avec HSBC, avant d’estimer qu’il n’y a « aucun intérêt à la divulgation » de ce type d’information.

« Manque de professionnalisme »

Tout en haut du gotha diamantaire, on trouve aussi Dilip Mehta, patron du géant indien du diamant Rosy Blue. Fait baron par le roi des Belges en 2006, il a depuis délocalisé ses activités d’Anvers à Dubaï. En mars, il sera jugé pour fraude fiscale avec une centaine d’autres diamantaires anversois, comme l’a rapporté le journal De Tijd fin janvier. Les documents révèlent des rapports tendus avec HSBC, qu’il accusait de « manque de professionnalisme » parce que les gestionnaires refusaient de vendre les titres financiers émis par son entreprise.
Plus agréables, les contacts des banquiers avec Daniel Steinmetz, dirigeant du groupe diamantaire homonyme. Sa fiche indique qu’en 2005, il passait quatre mois de l’année en Sardaigne, où les employés de HSBC allaient lui rendre visite. Il passe pour l’un des plus riches membres de la corporation, ce que confirment les documents obtenus par Le Monde. L’un des comptes sur lesquels il avait la signature chez HSBC a contenu plus de 264 millions de dollars en 2006-2007.
Son frère Beny était un client à peine moins important. Le gouvernement guinéen a accusé ce citoyen français de corruption dans l’attribution des droits miniers sur l’important gisement de fer de Simandou. Accusations qu’il consteste, se disant victime d’une cabale. Les relations bancaires de la famille Steinmetz chez HSBC conduisent à Dan Gertler, diamantaire israélien réputé proche du président congolais Joseph Kabila. Les ONG ont critiqué son influence en République démocratique du Congo (RDC), et sa capacité à y obtenir des contrats miniers très avantageux. Deux dirigeants du groupe Steinmetz figurent dans les documents volés par Hervé Falciani comme disposant d’un pouvoir de signature sur les comptes d’une de ses sociétés, Sunland.

A travers Sunland, Dan Gertler était également actif en Angola, selon la presse spécialisée. La production diamantaire du pays dirigé par José Eduardo Dos Santos a longtemps été allouée de façon opaque à des hommes d’affaires privilégiés, comme le Russe Lev Leviev. Ou le groupe Omega Diamonds, qui s’est délocalisé d’Anvers en Suisse après avoir été poursuivi par le fisc belge − un redressement sans précédent de 145 millions d’euros. Les dirigeants d’Omega, Ehud Laniado et Robert Liling, tout comme Leviev, étaient clients de HSBC en 2005-2007.
Les documents extraits de la banque confirment le partenariat entre Omega et Lev Leviev dans Welox, une structure qui jouissait de liens préférentiels avec le pouvoir angolais. La société était associée dans l’exportation de diamants avec une société offshore contrôlée par la première femme du président Dos Santos, Tatiana Regan Kukanova. Son compte personnel chez HSBC a contenu plus de 4,5 millions de dollars en 2006-2007. L’origine de cette somme reste mystérieuse. Tatiana Regan, qui réside entre Londres et Monaco, n’a pu être jointe pour préciser son origine.

Le diamant a ainsi fait les beaux jours d’HSBC Genève, qui avait d’ailleurs un département spécialisé, MEDIS (Méditerranée-Israël). Au fil des affaires et des scandales fiscaux et judiciaires, les diamantaires ont été jugés comme des clients trop risqués. En 2013, la banque en a mis des centaines à la porte et a fermé son département MEDIS. Les gestionnaires qui s’occupaient des diamantaires ont été invités à trouver du travail dans d’autres banques genevoises.

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