UNE MONNAIE COMMUNE POUR TROIS PAYS DU SAHEL ?
UNE MONNAIE COMMUNE POUR TROIS PAYS DU SAHEL ET D’AUTRES…
Le président de la Transition nigérienne, le Général Tiani, a rappelé au monde que les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) réfléchissaient à la sortie du franc CFA. Toutefois, les modalités de mise en œuvre ont été confiées à des experts. La date de remise des propositions n’a pas été indiquée.
1. La volonté d’aller vers une monnaie commune des pays de l’AES
La création d’une monnaie commune au sein d’une union monétaire entre le Burkina, Le Mali et le Niger en Afrique est devenue une réalité politique. Par contre, au plan opérationnel, il faudra attendre un peu.
La décision politique est l’expression d’une volonté de souveraineté économique, financière, bancaire et monétaire de ces pays.
2. Une équipe d’experts prépare les options qui seront retenues.
Toute décision politique est précédée d’une analyse approfondie des options économiques réalisables. Toutefois, il s’agit de s’organiser aussi pour ne pas subir des mesures de rétorsions ou des sanctions de la France et des pays de l’Organisation transatlantique Nord (OTAN).
La monnaie n’est surement pas la première des étapes d’un processus en plusieurs étapes.
3. Cinq étapes pour créer une monnaie commune « durable »
A mon humble avis, il faudra au moins cinq (5) étapes :
- Première étape : la mise en place d’un fonds monétaire des pays de l’AES ;
- Deuxième étape : la création d’une banque centrale du Sahel indépendante du ministère de l’économie et des finances de la France, de la Banque centrale européenne et de la banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
- Troisième étape : la mise en place de la coopération entre la banque centrale de l’AES et les banques secondaires de la zone, ce en relation avec des banques centrales partenaires, si possible provenant des 11 pays des pays membres du BRICS Plus. Le partenariat est indispensable pour avancer vers la digitalisation des opérations, la digitalisation de l’or physique, de l’effectivité des opérations de compensation financière et surtout de la sécurisation des opérations avec des technologies avancées et décentralisées comme le blockchain.
- Quatrième étape : la mise en place d’une monnaie digitale sécurisée valable uniquement dans l’espace AES, et qui pourra être utilisée à partir des téléphones portables sous forme de transfert. Cette monnaie, dont le taux reste à déterminer, aura comme contrepartie l’or physique ou sa matérialisation digitale. Il s’agira d’une monnaie nationale avec un pouvoir libératoire limité à l’espace AES pour les personnes physiques. Pour les institutions bancaires, cette monnaie servira de monnaie de compte avec un taux de change flottant adossé à l’or.
- Cinquième étape : La mise en circulation de la monnaie de paiement en distinguant entre une monnaie interne à l’AES et la monnaie de paiement avec l’extérieur et qui fera office de devise à l’international. Il n’y a pas nécessairement besoin de la zone franc pour démarrer des activités dans sa propre monnaie.
4. L’indispensable Fonds monétaire du Sahel
La première étape permettant la création d’un fonds monétaire du Sahel aura pour objet d’assurer la mise en commun d’une partie des réserves de change de trois pays et pourra s’exprimer en monnaie marchandise qu’est l’or ou tout autre matière première. Il s’agit avec ce fonds de réserve de change de permettre d’assurer la couverture des engagements et des crédits que ces trois pays, mais aussi de soutenir mutuellement la stabilité financière, tout en favorisant la coopération économique, en se prêtant mutuellement des fonds en cas de crises ou déficit des balances des paiements.
5. Adosser la monnaie et les réserves de change à l’or
Plus les réserves de change exprimées en or seront importantes et pourront dépasser au moins 6 mois d’importations de biens et de services, plus la crédibilité financière de ces trois pays vont se renforcer et attirer des partenaires stratégiques intéressés par soutenir la politique de souveraineté économique, de croissance et de développement humain au service des populations de ces pays.
Dans la compréhension des dirigeants des pays AES, la plupart des institutions liées à la France ont des objectifs qui s’opposent à la souveraineté monétaire, économique, financière et bancaire des pays de l’AES.
6. La priorité à la souveraineté et le rejet de servitude et de l’indignité
A moins que la France et l’OTAN changent leur position, le paradigme de la souveraineté risque de rester un priorité absolue pour tous les pays africains. Autrement dit, les dirigeants de l’AES risquent de convaincre plusieurs pays africains, même si cela n’apparaît pas clairement au plan officiel.
7. La sortie du franc CFA devient incontournable
A terme, la sortie du Franc CFA devient incontournable. La monnaie ne se décrète pas. La sortie du Franc CFA n’est pas l’objectif mais un passage obligé. Les pays de l’AES réfléchissent d’abord à créer leur propre monnaie commune. Mais les modalités de fonctionnement dans un monde devenu multipolaire n’a pas encore été précisées. La sortie du Franc CFA se fera avec la montée en phase de la crédibilité d’une monnaie AES.
La non-utilisation du Franc CFA par les populations se fera en fonction de la crédibilité et la sécurité que confère la monnaie commune AES à ses utilisateurs.
8. La réunification possible grâce à une monnaie commune de la souveraineté
Que le Franc CFA change de nom ou pas pour devenir l’ECO-UEMOA, l’esprit de la potentielle future monnaie, l’ECO-CEDEAO, risque de fonder la monnaie commune des pays de l’AES, et même d’attirer certains autres pays comme le Nigeria tant le paradigme de la souveraineté demeure un facteur d’unification, sans hypocrisie.
Le pays comme le Togo de Faure Gnassingbé, le Sénégal de Macky Sall, le Bénin de Patrice Talon et même la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara pourraient risquer de revoir leur copie photocopies de positions exogènes allant à l’encontre de l’émancipation et la nouvelle indépendance économique des Africains.
Le Nigeria pourrait trouver un consensus avec les pays de l’AES sur une monnaie commune de la souveraineté. YEA.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur général
Afrocentricity Think Tank